Le Conseil d’État a récemment éclairci les contours du droit à indemnisation dont dispose un vendeur en cas de préemption illégale d’un bien par une collectivité locale, dans le cadre du droit de préemption urbain (DPU). Découvrez les implications de cette décision du 13 novembre 2023.
En cas de préemption illégale…
Où le DPU est exercé
Supposons qu’après la signature d’un compromis de vente, une collectivité locale (commune ou EPCI compétent) exerce son DPU. Cette préemption doit répondre à un motif d’intérêt général et être destinée à une action d’aménagement conforme à la loi (C. urb. art. L 210-1 et L 300-1). Le Conseil d’État souligne que la mise en œuvre du DPU doit être justifiée par un intérêt général suffisant, en tenant compte des caractéristiques du bien et du coût prévisible de l’opération (CE 30‑6‑2023 n° 468543 et n° 464324).
Droit à indemnisation
Le Conseil d’État confirme que si la préemption n’aboutit pas et que la décision est entachée d’illégalité, le propriétaire du bien peut obtenir réparation du préjudice direct et certain causé par cette illégalité (CE 6‑7‑2023 n° 464999).
Une décision à apprécier…
Où la collectivité « tergiverse »
Dans une affaire récente, après un compromis de vente à 200 000 €, un EPCI décide d’exercer son DPU pour 140 000 €. Malgré un accord à 160 000 € avec le vendeur, la collectivité renonce à la préemption. Le propriétaire vend finalement à l’acquéreur initial pour 160 000 €, puis réclame 40 000 € à l’EPCI en réparation du préjudice dû à l’illégalité de la décision de préemption.
Où le bien est vendu à moindre prix
Le Conseil d’État confirme qu’un vendeur peut se prévaloir d’un préjudice égal à la différence entre le prix du compromis initial et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation. Le prix de vente effectif peut être considéré comme exprimant cette valeur vénale, sous réserve qu’il ne s’écarte pas anormalement de celle-ci (CE 6‑7‑2023 n° 464999, CAA Paris 14‑4‑2022 n° 21PA03489).
Ce qu’il faut aussi savoir
Côté vendeur
Pour son indemnisation, un vendeur peut se prévaloir d’un autre préjudice résultant de l’impossibilité de disposer du prix fixé au compromis entre la date prévue et celle effective de la vente, sous réserve d’un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité (CE 15.06.2006 n° 266495 et 10‑3‑2010 n° 323543).
Côté acquéreur
En cas de préemption illégale, un acquéreur évincé a le droit d’obtenir réparation des préjudices résultant directement de cette décision (CAA Versailles 3‑10‑2023 n° 21VE00824).